« Libre à vous ! », l’émission de l’April sur radio Cause Commune, a reçu Noémie Lehuby, Christian Quest et Jean-Christophe Becquet. Belle occasion de discuter d’OpenStreetMap en général et de la conférence State of the Map France.
Retrouvez l’émission diffusée mardi 11 juin avec l’enregistrement à écouter et la transcription à lire.
Le verbatim des échanges
Transcription réalisée par les soins de l’April, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent. Elles ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Intertitres ajoutés par OpenStreetMap France pour les besoins de cette page.
Titre : Émission Libre à vous !
Intervenants :
Noémie Lehuby - Christian Quest - Jean-Christophe Becquet
Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 11 juin 2019
Durée : 1 h 30 min
Licence de la transcription : Verbatim
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter In the desert par Daniel Bautista. C’est en licence libre, les références sont sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez toujours la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et sur le site causecommune.fm partout dans le monde.
Nous allons poursuivre avec notre sujet principal.
[Virgule musicale]
Christian, Noémie, Jean-Christophe
Nous allons parler d’OpenStreetMap avec nos invités. Je vais commencer par présenter les personnes qui sont en plateau, donc Christian Quest, porte-parole d’OpenStreetMap France. Bonjour Christian.
Christian Quest : Bonjour.
Frédéric Couchet : Noémie Lehuby qui est contributrice à OpenStreetMap et également secrétaire de l’association OpenStreetMap. Bonjour Noémie.
Noémie Lehuby : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Et normalement nous avons au téléphone Jean-Christophe Becquet qui est animateur de l’initiative Dessine ta ville et formateur autour d’OpenStreetMap. Bonjour Jean-Christophe.
Jean-Christophe Becquet : Bonjour.
Frédéric Couchet : Tout le monde est là, c’est parfait. C’est une première émission sur OpenStreetMap parce que c’est un sujet tellement large qu’on fera évidemment plusieurs émissions. Les personnes qui écoutent régulièrement l’émission penseront, par exemple, à Wikipédia ; on a déjà fait deux émissions sur Wikipédia. Là c’est une première émission, une introduction. Je vais poser une première question dont la réponse doit être rapide. Notamment pour les personnes qui ont le plus de passé, on va dire. C’est votre présentation individuelle, qui vous êtes ? On va commencer par Noémie.
Noémie Lehuby : Bonjour. Je suis Noémie Lehuby, contributrice OpenStreetMap depuis bientôt cinq ans je pense. Je m’intéresse principalement aux sujets autour des transports et de la mobilité. Donc c’est aussi principalement sur ces sujets que je contribue à OpenStreetMap. Depuis quelques années, je m’investis dans l’association OpenStreetMap France qui fait la promotion du projet OpenStreetMap sur le territoire français. Cette année je suis secrétaire de cette association.
Frédéric Couchet : J’ai oublié de préciser que tu es aussi cofondatrice de Jungle Bus, une cartographie des réseaux de transport.
Noémie Lehuby : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Christian Quest.
Christian Quest : Moi j’ai démarré sur OpenStreetMap en 2009, donc un petit peu avant Noémie. Je suis un des fondateurs d’OpenStreetMap France qui est une association loi de 1901, qui fait la promotion du projet. Que dire d’autre ? J’ai été président de l’association, je fais plein de choses dans l’association. Maintenant je m’occupe un peu plus de la partie technique, faire fonctionner des serveurs.
Frédéric Couchet : Et intervenir à la radio !
Christian Quest : Voilà !
Frédéric Couchet : Jean-Christophe Becquet.
Jean-Christophe Becquet : Contributeur aussi d’OpenStreetMap depuis 2011, j’anime une initiative qui s’appelle Dessine ta ville avec les collectivités de ma région dans les Alpes du Sud. Et je suis formateur logiciel libre à titre professionnel et notamment, du coup, autour d’OpenStreetMap.
C’est quoi OpenStreetMap ?
Frédéric Couchet : Merci. Première question : c’est quoi OpenStreetMap ? Qui veut commencer ? Le porte-parole.
Christian Quest : Vu que j’ai commencé en premier ! En gros, on fait l’équivalent de Wikipédia sauf qu’on ne fait pas une encyclopédie : on fait un atlas du monde, tout simplement. C’est contributif, c’est ouvert à tout le monde en termes de contribution.
Quand on a démarré, le projet a démarré…
Frédéric Couchet : En quelle année ?
Christian Quest : En 2004. Le décollage réel où il a commencé à y avoir vraiment de la contribution c’est plutôt 2007/2008. On est partis d’une carte blanche ; il n’y avait absolument rien exactement comme au début Wikipédia, il n’y avait rien. Et petit à petit on a complété, complété, complété.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc une cartographie. Si on fait par référence à Wikipédia, je suppose que c’est sous licence libre.
Christian Quest : Bien sûr.
Frédéric Couchet : Est-ce que c’est la même licence libre que Wikipédia ?
Christian Quest : Non. C’est une licence différente. Dans le passé on a utilisé une autre licence puis on a changé. Depuis 2012 on est sous une licence qui s’appelle l’ODbL, Open Database License. L’idée de cette licence c’est de protéger les données et la base de données. C’est un peu l’équivalent d’une CC BY-SA, si vous voulez, c’est-à-dire un partage à l’identique.
L’important c’est que les gens qui utilisent les données participent aussi à leur mise à jour et à leur amélioration, d’où le choix de cette licence. Par contre c’est une licence qui ne protège que le côté base de données, pour l’aspect partage à l’identique. Ce que l’on fait avec cette base de données, des cartes par exemple, n’a pas besoin d’être sous la même licence. On peut mettre des cartes qu’on ferait avec les données de la base de données dans d’autres licences ; ce qui permet beaucoup de réutilisations.
Frédéric Couchet : Ça c’est un point intéressant et on reviendra sur la réutilisation tout à l’heure. Noémie, est-ce que tu veux compléter cette introduction sur OSM, donc OpenStreetMap.
Noémie Lehuby : Oui. Je voudrais revenir un petit peu sur le côté collaboratif et participatif. Parce qu’effectivement, je pense qu’une des grandes forces du projet c’est sa communauté. Avant d’être un projet informatique de création de base de données, c’est un projet de communauté. Ce sont beaucoup de communautés de passionnés qui se retrouvent dans ce projet. On a avoir des cyclistes qui vont venir cartographier des équipements cyclables, des pistes cyclables, des parkings vélos, etc. On va avoir, je ne sais pas, des végétariens qui vont indiquer quels sont les restaurants qui servent des plats végétariens. C’est un petit peu toute cette agrégation de passionnés qui fait qu’on a une aussi belle carte aujourd’hui.
Frédéric Couchet : D’accord. Jean-Christophe est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
Jean-Christophe Becquet : Je dis souvent qu’OpenStreetMap c’est une équipe dans laquelle chacun dessine sa rue, son quartier. Les quartiers s’assemblent pour faire des régions, les régions pour faire des pays et à la fin, au bout de 15 ans, on a une carte du monde.
Frédéric Couchet : C’est une bonne présentation.
On va quand même donner une information importante, le nom peut-être du site pour aller sur OpenStreetMap : openstreetmap.org.
Christian Quest : Voilà, c’est le site international. Il y a aussi openstreetmap.fr, qui est le site de notre association, qui fait la promotion du projet. Mais le site, la grande porte d’entrée c’est openstreetmap.org.
Des réutilisations dans toutes les thématiques
Frédéric Couchet : On va parler de contribution tout à l’heure. On va commencer par la réutilisation même si, en fait, les deux peuvent être un petit peu mélangées. J’ai envie de vous demander, pour les personnes qui utilisent d’autres outils de cartographie… on ne va pas les citer, mais les gens voient lesquels ils utilisent… Quels sont les intérêts d’utilisation d’OpenStreetMap que vous pourriez donner à la radio. Un petit peu comme si vous étiez en soirée et que quelqu’un vous dit : « J’ai un itinéraire machin, je vais utiliser telle application privatrice » et vous lui dites « attendez, il y a OpenStreetMap » ? Des exemples d’utilisation. Christian Quest.
Christian Quest : Des exemples d’utilisation. La grosse différence qu’on a entre OpenStreetMap et des services qui commencent par exemple par un « G », c’est l’accès aux données qui permet à des développeurs de faire des applications ou des outils adaptés à une problématique bien particulière.
Noémie a cité par exemple les cyclistes. Pendant longtemps les cyclistes, au niveau de la cartographie, étaient un petit peu la cinquième roue du carrosse. Il n’y avait pas vraiment de cartes qui leur étaient dédiées ; il n’y avait pas vraiment de sites qui fonctionnaient, qui étaient destinés à cette population-là. Mais le fait d’avoir énormément de données sur la cyclabilité dans OpenStreetMap ça a permis, par exemple à une entreprise comme Géovélo… ce n’est pas le nom de l’entreprise, c’est une appli qui s’appelle Géovélo… de fournir vraiment un excellent outil pour les cyclistes.
C’est ça la particularité que l’on a quand on a accès à l’intégralité des données, pas simplement à des services qu’on vous offre sur des données. Le fait d’avoir cet accès complet permet énormément d’innovation et énormément d’usages qui, sinon, ne sont pas possibles ; parce que les services tout prêts, tout prêts mâchés, vous limitent dans votre imagination et dans votre innovation. Ça c’est une des grandes particularités.
Ça me permet, par exemple, de faire une carte dédiée pour des pilotes de vol libre, de parapente ou de delta. Parce que je vais sélectionner vraiment les informations qui sont utiles à ces gens-là. La particularité d’une carte c’est qu’elle est destinée, en général, à un usage. Vous n’allez pas du tout mettre la même chose sur une carte pour des chauffeurs poids lourd et des cyclistes. Un chauffeur poids lourd va vouloir voir les grands axes de circulation, là où il peut circuler. Alors que pour un cycliste, au contraire, une autoroute c’est une barrière infranchissable ; il n’a pas le droit de circuler dessus et il ne peut pas non plus la couper.
Donc vous voyez la carte est une représentation du monde en fonction de ce que l’on veut faire.
Donc c’est très important d’avoir un accès libre à toutes les données qu’il y a en dessous.
Frédéric Couchet : D’accord. Noémie.
Noémie Lehuby : Effectivement, je rejoins pas mal ce que dit Christian. Je pense aussi qu’on a beaucoup parlé de cartes mais OpenStreetMap c’est effectivement une base de données. On peut faire plein de choses avec dont des cartes.
Par exemple sur ma thématique qui est plutôt le transport, on va pouvoir faire d’autres choses que des cartes. On peut aussi faire des plans schématiques, du calcul d’itinéraires, etc. Tout ça c’est possible justement parce que l’écosystème est ouvert, parce que la base de données est sous licence libre. Et parce que d’autres acteurs peuvent, du coup, l’utiliser, faire grossir cet écosystème ; idéalement avec des logiciels libres, mais ce n’est pas obligé.
Frédéric Couchet : Et on est, je suppose, indépendant du choix des algorithmes contrairement aux autres outils qui commencent par un « G » ou par un « W » pour certains. Finalement c’est la « porte ouverte », entre guillemets, à la liberté qui va dépendre avant tout des usages, comme vous l’expliquiez tout à l’heure.
Christian Quest : Oui. Tout à fait. Et on vise aussi une grande neutralité dans nos données. On a par exemple des sujets, de temps en temps, de positionnement de frontière entre certains pays qui ne sont pas d’accord. Ou bien quel est le nom, par défaut, qu’on va faire apparaître sur une carte pour, par exemple, une ville comme Jérusalem. On va le mettre dans quelle langue ? Ce n’est pas évident. En fait dans notre base on a, je ne peux pas dire toutes les langues… mais si vous prenez le cas de Paris, je crois qu’il y a 250 langues différentes. On peut faire des cartes et des applications effectivement. Noémie a rappelé qu’on ne s’arrête pas aux cartes, qui ne sont pas limitées par la langue, etc.
Frédéric Couchet : Jean-Christophe.
Jean-Christophe Becquet : Comme Noémie l’a dit OpenStreetMap c’est d’abord une base de données géographiques sur laquelle s’appuie tout un ensemble de services en ligne. Ceux qu’on trouve sur le site openstreetmap.org mais aussi tout un tas d’autres. En fait, cette base de données libres et ses enjeux libres rejoignent les enjeux du logiciel libre qu’on défend à l’April. C’est-à-dire retrouver la maîtrise de son informatique, retrouver la maîtrise de ses données. Tout simplement, dans la base de données OpenStreetMap, si je constate une erreur, un manque, une information qui n’est pas à jour… Eh bien comme dans Wikipédia, je clique sur le bouton « modifier », je corrige, je complète… Et dans l’instant la base de données est actualisée, complétée, améliorée.
Je pense que ce caractère libre de la base de données OpenStreetMap est vraiment un enjeu important qui permet de retrouver la maîtrise de sa base de données.
Dans ma ville, Digne-les-Bains, la base de données OpenStreetMap est de qualité nettement supérieure à celle de ses concurrents propriétaires parce qu’il y a des contributeurs OpenStreetMap dans ma région. Donc aujourd’hui si on cherche un service public, un restaurant, une adresse à Digne, il vaut beaucoup mieux passer par OpenStreetMap que par les cartes propriétaires.
Données hors-ligne et données temps réel
Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. Là je regarde sur le salon web de la radio. Je rappelle c’est sur causecommune.fm, vous cliquez sur « chat ». Il y a une question et une remarque. Je vais commencer par la remarque de un-oeuf-02, c’est son pseudo, qui nous dit : « Ce que j’aime avec OpenStreetMap c’est que l’on peut utiliser les données cartographiques même en étant hors-ligne. » Ça c’est la remarque, je vous laisserai réagir là-dessus.
Je vous donne l’autre question qui concerne plus OpenStreetMap France, qui est donc de PG : « Est-ce que l’association est dotée d’une équipe de cartographes ? » Déjà est-ce que vous voulez réagir sur la première remarque, sur le fait qu’on peut utiliser les données cartographiques même en étant hors ligne. C’est-à-dire sans connexion internet, je suppose évidemment sur téléphone mobile, notamment. Noémie.
Noémie Lehuby : Oui, pourquoi pas. Oui, tout à fait, il y a plusieurs applications mobiles qui existent, qui reprennent justement ce principe. On peut citer par exemple OsmAnd ou plus récemment Maps.me. Effectivement, ce sont des applications qui font un peu tout ce qu’on attend d’une application mobile de cartographie.
On peut se repérer avec son GPS, on peut regarder ce qu’il y a autour de soi, chercher des lieux, calculer des itinéraires, enregistrer son adresse préférée en favori, etc. Le tout, effectivement, va fonctionner hors ligne ; ce qui va permettre de l’utiliser par exemple à l’étranger si on n’a pas de réseau. Ça, effectivement, c’est une grande force d’OpenStreetMap qui est venue très tôt, ça fait assez longtemps que ces services-là existent.
Moi, personnellement, c’est comme ça que j’ai découvert OpenStreetMap. C’est en utilisant une de ces applications pendant mes vacances à l’étranger que je suis tombée dedans.
Frédéric Couchet : Je vais compléter la remarque, toujours de un-oeuf-02, qui précise, « le manque – évidemment tout n’est pas toujours rose – ce qui manque, dit-il, ce sont les données de trafic routier en temps réel ». Par rapport à d’autres applications où il y a effectivement les infos de trafic. Christian Quest.
Christian Quest : Oui. Tout à fait. OpenStreetMap a vocation à décrire le monde, on va dire un monde un petit peu statique ; une base de données géographiques mais relativement statiques avec des choses qui ont de la pérennité. Donc tout ce qui est très temporaire comme des travaux, des bouchons ou des accidents… Effectivement ça n’a pas sa place dans la base OpenStreetMap.
Je vais faire une toute petite parenthèse : j’ai essayé de démarrer un projet qui s’appelle OpenEventDatabase pour venir combler ce manque. Pour venir compléter OpenStreetMap en apportant des données qui, elles, sont localisées dans l’espace mais aussi dans le temps, donc avec des choses beaucoup plus liées au temps réel. Mais là, pareil, il va falloir qu’il y ait de la collaboration. Il faut que tout le monde partage ses données en temps réel, ce qui n’est pas évident. Déjà, quand on a démarré, ce n’était pas évident pour les données cartographiques, mais alors pour les données en temps réel… Aujourd’hui c’est encore considéré comme le petit trésor !
Le rôle de l’association
Frédéric Couchet : Ça me fait venir à l’esprit une question, j’ai une question, mais je vais la poser juste après. Je vais relancer la question sur OpenStreetMap France. Christian est-ce qu’il y a une équipe de cartographes au sein de l’association ?
Christian Quest : Il n’y a pas d’équipe, en tant que telle, de cartographes. Il y a beaucoup de gens dans l’association qui n’ont pas, non plus, une formation de cartographe. Il y a des gens qui collectent des données et qui les utilisent. Mais, en fait, c’est assez décorrélé du côté association.
Ce qu’on essaye vraiment de maintenir dans l’association c’est d’être un point de contact pour… ça peut être des entreprises, ça peut être des médias, ça peut être des autorités qui veulent avoir un lien avec le projet OpenStreetMap… Parce que ce sont des centaines de milliers de contributeurs ; comment un média contacte des contributeurs ? C’est extrêmement compliqué. C’est entre autres pour ça qu’on a créé l’association. Aussi pour organiser une conférence annuelle, pour avoir des serveurs, pour pouvoir faire fonctionner tout ça. On essaye de garder le côté association assez limité. Il n’y a que des bénévoles, il y a zéro employé, c’est très important de le dire, même au niveau international.
Frédéric Couchet : Même au niveau de la fondation ? C’est une fondation au niveau international ?
Christian Quest : Au niveau international il y a une fondation de droit anglais qui correspond à peu près à l’équivalent d’une association à but lucratif. Il y a un demi-employé, si je ne me trompe pas, qui s’occupe vraiment d’administratif. C’est tout. Tout le reste fonctionne avec uniquement des bénévoles. Ce qui fait que le budget de l’association est absolument ridicule par rapport à d’autres projets. Quand on compare, par exemple, le budget…
Frédéric Couchet : Le budget de Wikipédia par exemple.
Christian Quest : Quand on compare, Wikipédia c’est plusieurs millions de dollars par an. Et la Fondation OpenStreetMap je crois qu’on doit être aux alentours de 200, 300 000 euros, c’est tout.
Réutiliser : un véritable outil de production
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que quelqu’un veut compléter sur la partie réutilisation avant de parler de la partie contribution ? Jean-Christophe peut-être.
Jean-Christophe Becquet : Effectivement, avec les données OpenStreetMap, tout un chacun va pouvoir inventer, imaginer, comme le disait Christian, les services qu’il souhaite. Par exemple, si aujourd’hui vous venez en vacances à Digne-les-Bains et que vous allez à l’office de tourisme. Vous demandez un plan de la ville, le plan de la ville qui vous sera donné c’est un plan qui a été imprimé à partir d’une extraction des données OpenStreetMap. Et si vous vous dites que vous voulez emprunter les transports en commun – il y a un petit réseau de bus à Digne, seulement cinq lignes – et que vous demandez le plan du réseau des bus. Eh bien, de la même manière, le plan du réseau des bus c’est une extraction OpenStreetMap. Et chaque affichette que vous trouverez dans les Abribus pour vous indiquer les arrêts desservis par la ligne a été réalisée, effectivement, avec des données OpenStreetMap.
Donc on voit bien qu’OpenStreetMap, la base de données OpenStreetMap, est un véritable outil de production. Moi je travaille beaucoup avec les collectivités, donc j’emprunte mes exemples dans ce domaine-là. Mais ça s’applique vraiment à tout type d’utilisateur puisque, aujourd’hui, des données géographiques c’est vraiment un sujet de convergence entre tous les domaines, tous les métiers. Je fais un petit peu d’enseignement, j‘interviens auprès d’étudiants en génie biologique. Je leur fais des cours de cartographie parce que, aujourd’hui, quand on fait de l’agronomie et qu’on travaille sur des exploitations agricoles, on a besoin de cartographier des parcelles, des cours d’eau, des canaux d’irrigation. Donc on voit bien que c’est un sujet complètement transversal. Le fait de disposer d’une base mondiale de données libres, ça va vraiment venir servir à tout le monde.
Contribuer : tous experts de notre quartier
Frédéric Couchet : Très bien. On va passer à la partie contribution parce que tout à l’heure, dans l’instruction, le mot « collaboratif » ou « participatif » ou « contributif » a été évoqué. Et plusieurs fois on a parlé des personnes qui contribuent. La question que j’ai envie de poser, je me dis je suis sur une carte sur openstreetmap.org. Tout à l’heure l’un de vous ou l’une de vous, je ne sais plus, a dit « on peut utiliser le bouton « modifier » pour ajouter une information », un peu, effectivement, comme sur Wikipédia.
La question c’est : est-ce que c’est compliqué ? Faut-il des connaissances techniques ? Est-ce que quand on appuie sur ce bouton de modification il y a un éditeur qui nous aide ? Peut-on entrer n’importe quelle information ? Est-ce qu’on peut supprimer des informations ? Quelles sont les limites ? Quelles informations on peut indiquer ? Est-ce que, finalement, il faut être cartographe pour contribuer à OpenStreetMap ? Noémie.
Noémie Lehuby : Pas du tout. Il n’est pas nécessaire d’être cartographe pour contribuer à OpenStreetMap, c’est complètement accessible. Le point de départ c’est d’aller sur openstreetmap.org et de cliquer sur « modifier ». Et là on a, effectivement, un éditeur web qui est disponible directement sur le site, qui permet de faire ses premiers pas très facilement. Donc de visualiser un petit peu les données OpenStreetMap, de voir à quoi ça ressemble et de faire ses premières modifications. Du coup, j’ai envie de dire que le seul prérequis pour commencer à contribuer dans OSM c’est de connaître son quartier, de connaître sa rue, de connaître un petit peu tout ce qu’il y a autour de soi et de se lancer.
J’irais même encore plus loin puisqu’on a déjà mentionné des applications mobiles. C’est que, aujourd’hui, dans des applications mobiles telles que Maps.me ou OsmAnd, qui sont basées sur OpenStreetMap, on a aussi la possibilité de faire des modifications. Donc de la même manière on va avoir un bouton « modifier » qui va apparaître et qui va permettre d’ajouter par exemple un commerce ou de modifier les horaires d’ouverture d’un restaurant. Contrairement à ce qu’on pourrait penser c’est très accessible et c’est très facile de faire ses premières modifications.
Frédéric Couchet : Un peu comme sur Wikipédia donc, c’est aussi simple techniquement.
Noémie Lehuby : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Christian Quest.
Christian Quest : Il y a une grosse différence, par contre. C’est que aujourd’hui, pour contribuer dans Wikipédia, il faut être assez expert d’un domaine.
Frédéric Couchet : Oui, tu as raison.
Christian Quest : Alors qu’on est tous experts de notre quartier.
Frédéric Couchet : C’est effectivement une bonne remarque sur la différence importante.
Christian Quest : Ça fait qu’on peut très facilement contribuer en maintenant à jour des informations qu’on peut juste constater. Il y avait une autre partie dans ta question c’est : qu’est-ce qui a sa place dans OpenStreetMap et qu’est-ce qui n’a pas sa place ?
Mettre ou ne pas mettre
Frédéric Couchet : Qu’est-ce qu’on peut rajouter et qu’est-ce qui n’a pas sa place ?
Christian Quest : Qu’est-ce qui n’a pas sa place ? Tout à l’heure j’ai un peu parlé, par exemple, des choses qui sont très temporaires : des travaux, des choses comme ça.
Et puis on a quelques règles assez simples, par exemple il faut que ça soit vérifiable sur le terrain. Il faut qu’on puisse aller sur le terrain et le vérifier ; ou bien avoir une source qui permet vraiment de vérifier. Il y a certaines choses qui ne sont pas vérifiables sur le terrain. Par exemple la limite entre deux communes n’est pas tracée au sol. Par contre on a des sources qui permettent d’aller vérifier.
Et puis, autre chose, ce sont les sources d’information qu’on utilise : il faut qu’elles soient libres. Par exemple une des règles qu’on a, on n’a pas beaucoup de règles… on a une des règles qui est quasiment la numéro un c’est : on ne copie pas de cartes. Parce que, en général, sur toutes les autres cartes que l’on peut trouver… sauf les cartes qui sont faites avec des données OpenStreetMap, mais là ce serait un peu le serpent qui se mord la queue… sur toutes les autres cartes, en général, il y a un copyright. Et on ne peut vraiment pas reprendre les informations qui sont sur ces cartes.
Frédéric Couchet : C’est une très bonne remarque parce que sur le salon web – aujourd’hui il y a vraiment beaucoup de questions – quelqu’un dont le pseudo est dans les Dansleslimbes – je vois qu’ils sont très imaginatifs aujourd’hui – pose la question : comment la licence d’OpenStreetMap peut-elle « interagir » entre guillemets avec des bases d’autres services, alors IGN, données d’entreprises ? Je crois que, en partie, tu viens un peu de répondre à la question, mais tu peux, évidemment, compléter.
Christian Quest : En général c’est assez difficile d’utiliser les données si elles n’ont pas été mises au préalable sous une licence libre. Les données en open data, en France, sont largement utilisables dans le cadre d’OpenStreetMap. Donc ça peut être une bonne source d’informations pour mettre à jour la carte, enfin la base de données.
On a d’ailleurs une source très importante qui nous a été ouverte depuis 2009 c’est le cadastre. Les services du cadastre nous ont autorisés à utiliser les plans cadastraux pour améliorer les données OpenStreetMap. Ce qui nous a permis de compléter énormément de noms de rues, par exemple, sans forcément aller sur le terrain parce qu’on ne peut pas être partout et on n’a pas non plus des contributeurs partout.
Frédéric Couchet : Il y a pas mal de questions sur le salon web. Mais on va faire une petite pause musicale et on poursuivra sur la partie contribution. Nous allons écouter Le chariot de Malik par Löhstana et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Le chariot de Malik par Löhstana
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Le chariot de Malik par Löhstana, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouvez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons poursuivre notre discussion, notre échange sur OpenStreetMap avec Jean-Christophe Becquet qui est au téléphone, Noémie Lehuby et Christian Quest qui sont sur place.
Données personnelles
Je vais poursuivre avec quelques questions qui sont sur le salon web. Je ne vais pas forcément pouvoir toutes les prendre. Il y avait une question sur la gestion des données personnelles avec notamment la contribution par position GPS, puisque juste avant la pause on mentionnait des applications. Ça me fait penser aussi à une question : par exemple est-ce qu’on peut rajouter sur OpenStreetMap l’adresse de personnes ou est-ce que c’est interdit ?
Christian Quest : Ça c’est une limite assez claire pour nous. On ne va pas mettre de données personnelles dans la base de données. On s’est même posé la question par exemple sur les cabinets de médecins : a-t-on le droit de mettre le nom du médecin, etc. ? Ça discute, de temps en temps, mais OpenStreetMap n’a pas vocation à devenir un annuaire, ce n’est pas ça. Ce qui est important c’est : j’ai besoin de trouver un médecin à proximité. Donc il y en a un qui est là, quel que soit son nom, ce n’est pas le sujet. Il y a des annuaires pour ça.
Pour les données vraiment personnelles, ça n’a pas sa place dans OpenStreetMap. Donc ça sera retiré si jamais quelqu’un rajoute ce genre de choses. Parfois ça arrive, par méconnaissance, par incompréhension du projet. On a eu, comme ça, parfois, des modifications qui n’étaient pas franchement souhaitables : quelqu’un qui met son carnet d’adresses. On lui a gentiment fait comprendre que tout le monde, du coup, y avait accès. Que ce n’était pas possible, donc on a retiré les données.
Frédéric Couchet : C’est important, excuse-moi de te couper, parce que par rapport à Wikipédia, dans l’émission on avait dit que les gens peuvent faire des erreurs parce qu’on peut revenir en arrière. En fait c’est la même chose sur OpenStreetMap.
Christian Quest : C’est la même chose. Oui, tout à fait, c’est la même chose. On a un système, on appelle ça des reverts. On peut revenir en arrière sur une version d’un objet dans la base de données. C’est vraiment beaucoup plus structuré base de données que ne peut l’être Wikipédia. On va dire qu’on se rapprocherait plus de Wikidata, pour ceux qui connaissent Wikidata. Chaque objet a tout son historique accessible et on peut revenir en arrière et supprimer.
On peut aussi faire ce qu’on appelle des éditions, des rédactions, où là, même une version de l’objet n’est plus accessible. Typiquement quand il y a des données personnelles problématiques, on dira « oui, cette version de l’objet existe, mais tu n’y as pas accès ». Voilà. Ça c’est quelque chose de tout à fait géré, gérable et on fait très attention à ce genre de choses.
GPS et open data
Frédéric Couchet : D’accord. Jean-Christophe, tout à l’heure je crois que c’est Christian qui a parlé des vélos… ou Noémie, je ne sais plus, c’est Noémie. Je crois que toi tu es un grand randonneur… Jean-Christophe. Christian ouvre les yeux, je parle à Jean-Christophe qui est un grand randonneur.
Ma question c’est par rapport à la contribution, on vient de parler de contribution ; en utilisant le bouton « modifier » ; en rajoutant une information, une contribution potentielle. J’imagine, c’est en utilisant un téléphone ou un objet GPS pour tracer des chemins notamment de randonnée.
Jean-Christophe Becquet : Oui. Tout à fait. En zone rurale, le GPS est encore un outil de contribution bien utile. Parce que les sentiers de randonnée ne figurent pas forcément sur le cadastre, par exemple. Donc on peut effectivement commencer une randonnée, démarrer son téléphone en mode enregistrement de traces GPS. Ensuite, les outils de contribution à OpenStreetMap permettent d’utiliser le fichier qu’on obtient. Un fichier au format GPX, qui contient des points avec l’heure de passage à ce point et les coordonnées latitude, longitude et altitude également du point, pour tracer des chemins sur OpenStreetMap.
On peut aussi renseigner des chemins de randonnée sur OpenStreetMap en utilisant des données open data. Mon département, les Alpes-de-Haute-Provence, a libéré l’année dernière sous licence libre un jeu de données qui s’appelle le Plan départemental des itinéraires de randonnées pédestres [Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR)] qui contient le tracé de tous les chemins entretenus, maintenus par le conseil départemental pour la pratique de la randonnée, du VTT, de la raquette et du ski de fond, etc. Donc ces données peuvent être utilisées pour abonder la base OpenStreetMap, tracer des nouveaux chemins, des nouvelles pistes de randonnée, de VTT.
La cartographie pour le développement et les situations d’urgence
Frédéric Couchet : Ça me fait penser, je vais changer de sujet. Enfin je vais poser une question sur un sujet un petit peu différent. Et juste après on revient avec toi, Jean-Christophe, notamment sur le projet Dessine ta ville et le lien avec les collectivités.
Si je me souviens bien, un usage important d’OpenStreetMap c’est lors d’incidents ou même d’accidents graves dans des pays, tremblements de terre ou zones de conflit. Où là il y a une vraie réactivité qui n’est pas possible avec les autres outils privateurs. Est-ce que quelqu’un veut parler de ça rapidement ? Noémie, Christian.
Christian Quest : Je peux un peu raconter : les premières mobilisations qu’on a pu avoir dans le cas de crises humanitaires. La première où il y a vraiment eu de la mobilisation c’était quand il y a eu le tremblement de terre à Haïti. Les cartes d’Haïti dataient des années 60, étaient sous format papier et il n’y avait absolument rien en numérique.
Il faut savoir que lorsqu’il y a des crises importantes comme ça, il existe une charte de l’espace qui fait que les premières images satellites qui sont prises par des agences spatiales dans le monde sont partagées, donc elles sont libérées. Ça permet, du coup, de réagir très vite et on peut, par exemple, tracer l’état des routes tel qu’il est après la catastrophe et pas tel qu’il était avant.
Je n’étais pas encore très impliqué dans OpenStreetMap au moment d’Haïti. Par contre j’ai passé quelques nuits blanches à cartographier une bonne partie de la côte japonaise après le tsunami. On sait que ça a été utilisé par les secours sur place parce qu’ils avaient des informations qui étaient à jour dans leurs GPS tous les matins. Donc ils rechargeaient leurs GPS tous les matins pour savoir par où ils pouvaient passer. Parce que là, le problème c’était comment circuler alors que tout le réseau routier de la côte avait été détruit.
Il y a eu plein d’autres cas. Aux Philippines avec le typhon Haiyan. Le tremblement de terre au Népal. Ça, on a eu quelques échos dans les médias. On a des missions régulières, de ce type-là, qui sont déclenchées par une organisation qui s’appelle HOT, Humanitarian OpenStreetMap Team. C’est une structure dédiée qui s’est créée après Haïti pour gérer, justement, l’interaction avec les autres ONG.
On est aussi intervenus en Afrique à la demande de Médecins sans frontières pour cartographier des villes où aucune carte n’existait. C’était au tout début des foyers d’Ebola et il y avait une suspicion. Médecins sans frontières devait intervenir sur place, nous a demandé « est-ce que vous pouvez nous aider à cartographier cette ville ? », c’est une petite ville de un million d’habitants, je crois. Les médecins sont arrivés avec le matériel et les cartes de la ville, alors que la ville n’avait absolument aucune carte.
Frédéric Couchet : Superbe. Noémie, est-ce que tu veux compléter là-dessus ?
Noémie Lehuby : Oui. C’est intéressant parce que ça nous permet de revenir un petit peu à ce qu’on disait avant sur les différentes manières de contribuer. Où, effectivement, on peut voir qu’il y a le fait d’aller sur le terrain et de cartographier parce qu’on connaît sa rue. Il y a ce qu’a mentionné Jean-Christophe de contribuer avec d’autres données qui peuvent être ouvertes. Et puis il y a aussi le fait de pouvoir contribuer à partir d’imageries satellites ou aériennes qui sont mises sous une licence compatible.
Du coup, on a quand même une très grande variété de possibilités pour contribuer à OpenStreetMap. C’est aussi ça qui fait la richesse du projet. C’est que ça se renouvelle énormément et qu’on va pouvoir cartographier de manières très différentes selon ses envies et ses motivations.
Dessine ta ville
Frédéric Couchet : Très bien. Jean-Christophe, dans ton introduction tu as parlé du projet Dessine ta ville, si je me souviens bien du terme exact, donc pour impliquer notamment les collectivités. Est-ce que tu peux nous en parler en petit peu ?
Jean-Christophe Becquet : Le projet Dessine ta ville c’est une initiative qui comporte trois étapes, qui s’adresse effectivement aux collectivités locales.
La première étape c’est de sensibiliser les collectivités à OpenStreetMap, précisément ce qu’on est en train de faire dans cette émission. Donc en interne dans la collectivité, à destination des élus, des agents, expliquer OpenStreetMap, son fonctionnement, ses enjeux, répondre aux appréhensions qui peuvent se poser comme « si tout le monde peut éditer la base de données alors n’importe qui peut faire n’importe quoi ! ».
Donc expliquer comment la communauté OpenStreetMap se régule et se contrôle, comme l’a expliqué Christian à l’instant. Et puis sensibiliser en externe les habitants, les citoyens de la commune, les écoles, les organismes de formation, les associations. Organiser des conférences pour expliquer le fonctionnement d’OpenStreetMap par exemple à la médiathèque ou dans une maison de quartier.
Une fois qu’on a expliqué au plus grand nombre le fonctionnement, l’intérêt, les principes d’OpenStreetMap, on va essayer de mener des actions pour susciter la participation. C’est-à-dire encourager les personnes à contribuer à la base de données OpenStreetMap. Pour ça, la première chose que peut faire la collectivité c’est donner l’exemple. Par exemple la mairie de Digne-les-Bains a embauché il y a quelques années, pendant quatre mois l’été, une stagiaire dont la mission était de cartographier le réseau des bus de la ville dans OpenStreetMap. Et le fait que la base de données monte en qualité, monte en exhaustivité, ça rend plus facile ensuite la contribution pour aller corriger les petites erreurs, compléter les petites informations qui manquent. Donc ça incite les personnes à contribuer.
Une autre manière d’encourager la contribution c’est de fournir des données en open data, la localisation des écoles, les services publics, les bâtiments accessibles au public.
Et une chose qui se pratique, un type d’événements qui se pratique beaucoup dans la communauté OpenStreetMap, c’est d’organiser ce qu’on appelle une cartopartie. Une cartopartie ça consiste à donner rendez-vous à un groupe de gens, en général sur une demi-journée ou une journée, et leur proposer de cartographier un quartier ou une thématique dans un quartier dans OpenStreetMap.
Ça peut être une cartopartie générique où on dit aux gens de venir et chacun contribue sur la thématique qui l’intéresse. Ou alors une cartopartie thématique. Par exemple à Digne on a organisé une cartopartie sur le thème du vélo, sur le thème de la cyclabilité, où on a cartographié les pistes cyclables, les équipements pour la maintenance des vélos, les garages à vélos, les sources d’eau potable pour remplir sa gourde quand on se déplace à vélo. Et une cartopartie sur le thème de la santé où on a cartographié les cabinets médicaux, les pharmacies, les différents bâtiments du centre hospitalier.
Toutes ces contributions vont faire monter la qualité de la base de données en exhaustivité, en actualité, et vont rendre, à chaque fois, encore plus attrayantes les réutilisations. La réutilisation c’est la troisième étape de la démarche Dessine ta ville.
C’est d’abord sensibiliser, ensuite susciter la participation, enfin réutiliser.
Effectivement, quand on a une base de données qui a atteint un certain niveau de qualité on peut, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, utiliser cette base de données pour fabriquer des plans, des plans de villes pour le tourisme, pour les réseaux de transport en commun. On peut utiliser cette base de données en fond de carte sur son site web pour localiser les équipements publics, pour localiser les écoles.
Et, d’un point de vue un petit peu plus technique, on peut intégrer la base de données OpenStreetMap dans son SIG. SIG c’est l’acronyme de Système d’information géographique, qui est un type service qui se répand de plus en plus dans les collectivités, qui utilise des outils permettant de cartographier, de géolocaliser tous les points du territoire. Aujourd’hui, une des problématiques des SIG c’est d’être alimentés en données. Pour ça la base de données OpenStreetMap est un trésor parce qu’elle est libre. Donc on peut l’utiliser sans contrainte. Et, en plus, si on a mené des actions pour encourager la participation, on va avoir une base de données de très grande qualité en termes de complétude, en termes de fraîcheur. Donc très intéressante, très utile pour le SIG de la collectivité.
Jungle Bus
Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. Tu as parlé de réseau de transport, ça me fait penser que dans l’introduction de Noémie, j’ai cité Jungle Bus. C’est quoi Jungle Bus ?
Noémie Lehuby : Jungle Bus ça part d’un constat très simple, un peu triste, que la plupart des villes dans le monde n’ont pas de plan de transport et n’ont pas, de manière générale, d’informations voyageurs sur les transports qui y circulent. Et, un deuxième constat, c’est qu’avec OpenStreetMap on peut remédier à ça.
Effectivement, dans OpenStreetMap on peut cartographier des arrêts de bus, des gares, des lignes de bus, des trajets de bus, etc. Comme la base de données est libre et réutilisable, on peut également, une fois qu’on a cartographié tout ça, s’en servir pour faire des plans de transport, des plans géographiques, des plans schématiques, des plans qu’on peut afficher sur les bus, pour faire des applications de calcul d’itinéraire, etc.
L’idée de Jungle Bus c’était ça. C’était de se dire allons cartographier les réseaux de transport pour lesquels les gens ne savent pas comment les utiliser, où passent les bus, etc.
Ça fait quelques années qu’on fait ça. On a eu notamment un gros projet à Accra, la capitale du Ghana, pour cartographier l’intégralité du réseau de transport de bus informels qui était d’environ 300 lignes. On a pu, ainsi, déployer les premières applications mobiles d’information voyageurs dans la ville. Du coup on a plusieurs actions autour de ça. Que ça soit créer les outils pour permettre aux contributeurs de se saisir du sujet et de cartographier les données dans OpenStreetMap.
Créer aussi les outils pour réutiliser les données. En faire des choses utiles pour les voyageurs et accompagner les collectivités locales qui en ont besoin, qui ont besoin de comprendre un petit peu comment OpenStreetMap marche ; accompagner aussi les contributeurs qui veulent faire ça bénévolement ou pas, etc. Il y a énormément de travail sur ce sujet-là. Parce qu’effectivement OpenStreetMap est une solution pertinente mais qui n’est pas forcément encore très connue des personnes à qui elle pourrait bénéficier.
C’est un beau projet dans lequel je m’investis depuis quelques années.
Frédéric Couchet : C’est Jungle Bus. Ça me fait penser que tout à l’heure j’ai fait un petit quiz, j’ai posé deux questions. Je vais répondre à la deuxième question. La question c’était : quel site web utiliseriez-vous pour trouver où boire vote bière préférée autour de chez vous ? Boire, je le répète, évidemment avec modération. Eh bien le site c’est OpenBeerMap, tout simplement. Vous cherchez sur un moteur de recherche, sinon c’est openbeermap.github.io et c’est un projet qui a été lancé par Noémie il y a quelques années. Combien de temps ?
OpenBeerMap 🍻
(et autres contributions thématiques) ♿ 🚲 🚌 🚊 🚇 🚈 🏥 🚑 ⚕
Noémie Lehuby : C’était en 2014, il me semble. Oui, tout à fait. C’était un petit projet que j’avais lancé à mes débuts dans OpenStreetMap. Je venais vraiment de commencer à ce moment-là. Et puis, en sortant d’un bar un soir, d’un bar qui n’était pas génial où j’avais bu une bière pas géniale… Eh bien je ne suis dit que quand même ça serait vraiment pratique de pouvoir choisir son bar en fonction des bières qu’on y sert. Si vous êtes amateur de bière c’est sûrement quelque chose qui va vous parler. Se dire que si on a envie de boire une bonne bière artisanale ou une bonne bière belge par exemple, plutôt que la bière…
Frédéric Couchet : La bière classique, quoi !
Noémie Lehuby : On va dire classique, qu’on ne va pas citer, on va juste dire classique. Voilà ! Du coup je me suis dit qu’OpenStreetMap ça pouvait être une solution pour ça. Donc j’ai commencé à regarder un petit peu ce qu’il y avait dans la base de données.
J’ai créé un petit site qui permet de visualiser effectivement les bars autour de soi et les bières pressions qui sont servies dans ces bars, puisque c’est une information qu’on peut mettre dans OpenStreetMap.
Comme il n’y en avait pas beaucoup je suis même allée un petit plus loin, j’en ai fait un petit éditeur. Sur le site OpenBeerMap on peut aussi modifier les informations classiques du bar – son nom, ses horaires d’ouverture, etc., les horaires des happy hours, ce genre de choses – et bien sûr les bières pressions qui sont servies dans le bar.
Ça fait depuis 2014 que le site existe. C’est un projet libre, bien sûr. Je l’ai initié, mais j’ai eu aussi pas mal de contributions sur la partie code. En plus des très nombreuses contributions sur la partie données qui sont, du coup, directement reversées dans OpenStreetMap.
Frédéric Couchet : Christian, tu voulais ajouter quelque chose là-dessus ?
Christian Quest : Oui. Je pense que ce genre de choses est essentiel. Évidemment, sur une carte c’est très difficile de représenter tous ces détails et ça montre tout l’aspect base de données qui est essentiel à OpenStreetMap parce qu’on va pouvoir renseigner avec des détails incroyables.
On n’a pas parlé, par exemple, de l’accessibilité. C’est aussi un projet qui est né très tôt dans l’histoire d’OpenStreetMap, c’est renseigner l’accessibilité pour les personnes handicapées. Il y a des villes qui se sont emparées du sujet et qui ont cartographié l’accessibilité des commerces, … en s’appuyant sur OpenStreetMap, sur des contributeurs, sur des personnes handicapées aussi. Ça permet aussi, quand on fait ce genre de cartopartie thématique, de remettre un sujet sur la place publique. Organiser toute une série de cartoparties sur les transports, sur la santé, sur l’accessibilité, éventuellement sur les bières… ça remet le sujet dans la discussion.
La fin du dumping de Google Maps
Frédéric Couchet : Le temps file il faudra qu’en fin d’émission on parle rapidement de State Of The Map France. Enfin rapide, je ne sais pas, mais j’ai deux questions.
Une première : est-ce, que suite aux changements récents de facturation ou de tarification de Google Maps, vous avez vu un effet positif sur le fait que de plus en plus de sites allaient utiliser un fond de carte OpenStreetMap à la place de Google Maps ? Première question.
La deuxième question qui est un peu plus générale, pour finir là-dessus, ce sera plutôt : vous avez parlé des cartographies, une personne qui souhaite s’y mettre et qui ne veut pas s’y mettre seule, comment elle peut s’y mettre ? Est-ce que c’est OpenStreetMap France la principale source de références ? Est-ce qu’il y a des événements ? Comment elle s’y met ? Christian, vas-y.
Christian Quest : Je peux répondre sur la première question. Oui, on a constaté un intérêt évident pour OpenStreetMap. Beaucoup de gens qui s’appuyaient sur des solutions gratuites ont cherché, évidemment, des solutions gratuites de remplacement. J’ai écrit plusieurs articles à ce sujet-là pour dire que le gratuit, en la matière, ça a forcément des limites. Parce que générer des fonds de carte et les servir comme on le fait, ça nécessite de l’infrastructure et ça a un coût. C’est dommage d’avoir laissé penser pendant des années que tout ça ne coûtait rien. C’est une forme de dumping qui pose quand même de sérieux problèmes.
Nous on a constaté, sur les serveurs d’OpenStreetMap France, une augmentation d’à peu près 110 % du trafic sur nos serveurs de fonds de cartes. Voilà ! On voit bien la corrélation en termes de dates avec l’été dernier et avec l’automne ; il y a eu deux pics d’augmentation. Depuis ça n’est pas redescendu et ça ne va sûrement pas redescendre. Ça veut dire un petit peu plus de ressources à mettre en batterie de notre côté.
On a des gens qui nous aident on n’en a pas parlé. Ça vaut le coup quand même de dire qu’il y a des entreprises, des collectivités, des universités qui nous mettent à disposition du matériel. On a au moins deux grosses entreprises qui nous donnent un coup de main qui sont OVH et la Fondation d’entreprise Free. Donc qui nous mettent à disposition des serveurs pour pouvoir faire tourner une partie de notre infra française. Et puis, de temps en temps, on fait des appels au don pour compléter, pour remettre à jour des machines.
Je vais laisser Noémie répondre sur la deuxième partie.
Noémie Lehuby : Sur la deuxième question. Oui tout à fait. La question c’était ?
Frédéric Couchet : Comment s’y mettre concrètement.
Comment s’y mettre
Noémie Lehuby : Comment s’y mettre concrètement. Ça dépend un petit peu de ses affinités. Si on a plutôt envie de s’y mettre en rencontrant des gens, je pense que le plus simple c’est de venir participer à des rencontres que les groupes locaux organisent ou à des cartoparties. Pour ça, je pense qu’un bon point d’entrée c’est le site de notre association, donc openstreetmap.fr, où on a une rubrique « événements » qui liste les réunions des groupes locaux. Il y a des groupes locaux qui s’organisent, qui se réunissent par exemple tous les mois pour faire un petit peu le point sur l’avancée de leurs projets respectifs.
Et puis des cartoparties qui s’organisent qui peuvent être, comme l’a dit Jean-Christophe, ou bien des cartoparties thématiques ou bien des cartoparties généralistes mais limitées par exemple à un territoire. Ça c’est un bon moyen de se lancer en rencontrant d’autres contributeurs qui vont pouvoir vous tenir la main, vous expliquer un petit peu comment ça marche et vous accompagner pour faire vos premiers pas.
Si vous êtes plus aventureux, je pense qu’il faut commencer par aller sur le site openstreetmap.org ; cliquer sur « modifier » ; et regarder un peu comment ça marche. On a un wiki qui est notre bible, notre grosse source d’informations, qui explique un petit peu comment fonctionne le projet, comment fonctionne la base de données… qui est vraiment la référence. Et voilà ! Commencer à cliquer un peu partout et voir ce qu’on arrive à faire, ce n’est pas très difficile. Le plus difficile c’est de se lancer.
Christian Quest : Il y a autre chose qui est organisé, ce sont des mapathons. Là c’est plus orienté humanitaire, ça se passe en général en soirée. Et ça permet de découvrir comment compléter la carte dans un endroit, souvent très lointain, à l’aide d’images satellites. Donc on va cartographier par exemple les bâtiments. Rien que le fait de compter les bâtiments permet de savoir quelle est la population approximative dans une zone. Ce qui va permettre de savoir où positionner par exemple un dispensaire, ce genre de choses.
Formation et éducation
Frédéric Couchet : D’accord. Jean-Christophe, en deux mots parce que le temps file, un petit mot sur la formation et plus précisément, peut-être… Est-ce que tu peux nous dire deux mots sur les nouveaux programmes dans les lycées ? Notamment à partir de la seconde, parce qu’il y a OpenStreetMap qui est dans les nouveaux programmes ?
Jean-Christophe Becquet : Effectivement, à partir de la rentrée qui vient, dans le nouveau référentiel de compétences attendues dans les programmes de seconde, il y a la compétence « savoir contribuer à OpenStreetMap ». C’est une formidable opportunité pour la communauté OpenStreetMap parce que ça veut dire une masse gigantesque de contributeurs potentiels. C’est aussi une difficulté à gérer parce que ça veut dire qu’il va falloir accompagner, former les enseignants qui vont devoir transmettre cette compétence.
Je pense que c’est vraiment un enjeu dans les années qui viennent de mettre en place des formations d’initiation à OpenStreetMap pour faire monter en compétences les contributeurs et surtout ceux qui accompagnent les contributeurs pour avoir des contributions de qualité.
La conférence annuelle
Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. Je vais laisser un dernier mot, mais alors 30 secondes, pour expliquer ce qu’est State Of The Map France et où ça se passe.
Christian Quest : State Of The Map c’est une conférence annuelle. Il y a une conférence internationale qui est organisée. Depuis plusieurs années, on organise aussi un State Of The Map France. C’est la conférence annuelle d’OpenStreetMap France, et cette année elle se déroule à Montpellier du 14 au 16 juin, donc ce week-end.
Frédéric Couchet : Ce week-end.
Christian Quest : On est en train de terminer nos présentations à l’arrache, comme d’habitude. En général on a plus de 200 personnes. On a 70 conférences enfin il y a vraiment beaucoup de choses.
Frédéric Couchet : D’accord. On encourage toutes les personnes à aller à cette édition ou à la prochaine, ou aux cartoparties locales qui sont organisées. Et pour répondre à la dernière question de PG sur le salon : « Travaillez-vous avec les scolaires ou autres publics pour les sensibiliser ? ». Je pense qu’avec ce programme de seconde des lycées vous allez avoir de plus en plus de demandes. Donc vous y répondrez en fonction, évidemment, des moyens.
Christian Quest : Et ça a déjà été fait, il y a déjà eu des choses de faites. Il y a eu des choses de faites récemment par exemple à côté de Metz.
Frédéric Couchet : Écoutez, super. C’était vraiment une première émission. Vous avez compris en l’écoutant qu’on a abordé plein de sujets. On pourrait parler de chacun des sujets pendant 30 minutes, une heure.
Je remercie les personnes qui sont intervenues : Jean-Christophe Becquet au téléphone ; Noémie Lehuby et Christian Quest sur place ; et je vous souhaite une bonne journée.