Cartographier mondialement l’infrastructure avec OpenStreetMap

Poste électrique – François Lacombe – CC BY-SA

Parmi les multiples sujets qui permettent de s’investir dans OpenStreetMap et qui rendent ce projet international et collaboratif si nécessaire, je vous présente aujourd’hui : la cartographie des infrastructures !

L’accès à ce type d’informations est réellement important en tant que professionnel, pour collaborer avec des entreprises qui assurent le déploiement ou l’exploitation de réseaux et d’industries. C’est également important en tant que citoyen, pour mieux comprendre comment une ville ou notre propre quartier respire ou se nourrit via les artères construites par l’homme. L’ampleur d’OpenStreetMap dépasse maintenant le réseau routier, proposition initiale du projet, et tout le monde est à même d’accéder à une connaissance plus riche et plus fine.

Cela fait 7 ans que je suis inscrit sur OpenStreetMap, tant sur le terrain pour compléter la carte des endroits dans lesquels je me rends et aussi pour l’élaboration de nouveaux « tags ». Cette dernière partie est littéralement la clé pour permettre aux contributeurs de collecter de plus en plus d’informations pertinentes depuis de multiples sources. Voyons ici la synthèse de riches discussions, collaborations intéressantes et certains défis que la communauté relève en ce moment.

Comment OSM améliore la connaissance des infrastructures ?

Au commencement des infrastructures et des réseaux, était la route. Le commerce entre villes, pays, civilisations a déclenché des grands travaux et de grandes infrastructures pour supporter les activités humaines.
Les révolutions industrielles récentes nous permettent de transmettre non seulement des marchandises mais désormais de l’énergie, des signaux de télécommunication et d’autres utilités sur des distances plus longues que jamais. La cartographie aide beaucoup à spécifier comment déployer les nouveaux réseaux mais aussi à mieux maîtriser l’existant.

Les acteurs industriels et les exploitants n’ont pas été habitués à partager leurs connaissances ou construire des référentiels communs de leurs actifs, pour des raisons de pression économique ou de concurrence. L’administration publique dépense de nombreuses ressources pour gérer les espaces urbains et souterrains pour assurer la fiabilité et la durabilité de nos sociétés largement dépendantes de l’industrie et de la technologie. Cependant, personne ne peut avoir aujourd’hui la certitude que les jeux de données propriétaires sont maintenus à un niveau de qualité et d’exhaustivité satisfaisant. La collaboration de la multitude peut aider à atteindre de tels objectifs.

OpenStreetMap est la première opportunité pour documenter les infrastructures à l’échelle mondiale avec un modèle attributaire unifié. Son rôle va plus loin que la seule information de l’humain et les données collectées sont accessibles aux machines pour en automatiser le traitement à condition que ce modèle attributaire soit suffisamment documenté. C’est pourquoi je trouve l’approche d’OSM intéressante et les différentes propositions que j’ai formulé ont été pensées dans ce sens. Le consensus est parfois difficile à atteindre sur des sujets si techniques, mais les discussions restent un bon moyen d’aboutir à un résultat durable, à la plus grande échelle possible.

Comment la connaissance de l’infrastructure aide OSM à devenir meilleur ?

S’investir dans l’amélioration du modèle attributaire révèle une autre face du projet. L’infrastructure et les réseaux couvrent différents champs de connaissance. Vouloir trouver une manière commune de les décrire est un vrai défi. C’est l’occasion d’utiliser les tags existants et d’en introduire de nouveaux pour répondre à ces besoins de cohérence et de polyvalence. En la matière il ne sera pas possible (ou moins possible, avec des efforts supplémentaires) d’intégrer des données officielles si nous restons sur des raisonnements non partagés en dehors d’OSM au lieu de décrire les caractères factuels et objectifs de notre environnement. Même si aujourd’hui les images aériennes restent notre principal moyen de contribution, ce ne sera pas le cas demain. Notre modèle attributaire doit être conçu en fonction de ce que nous serons capables de faire demain et non actuellement. Nous confondons souvent la pertinence d’une information et sa disponibilité.

Les besoins de connaissance des infrastructures motivent l’écriture de propositions et la recherche de solutions pour documenter des systèmes complexes et interdépendants. Elles sont autant que possible basées sur des normes partagées au niveau mondial pour permettre l’échange de données entre OSM et d’autres référentiels. Les données officielles des exploitants nous permettent d’obtenir les détails manquants ou difficiles à obtenir et accélèrent l’adoption de tags plus objectifs et respectueux de l’état de l’art. Actuellement plus de 20 propositions ayant trait à l’infrastructure ont été votées, quelques-unes rejetées et d’autres sont encore à venir. C’est un long voyage ponctué par exemple de l’introduction de man_made=street_cabinet (armoires de rues), power=plant (centrales électriques), waterway=pressurised (voies d’eau sous pression) et plusieurs attributs additionnels pour les pipelines ou les transformateurs électriques.

A l’inverse les clés location=*, waterway=* ou building=* étaient déjà bien établies et fiables, grâce à leur utilisation dans d’autres contextes.

La cartographie des réseaux électriques a débutée en 2008. 10 ans plus tard, alors que nous utilisons ce qui ressemble à un modèle attributaire de seconde génération, des chiffres peuvent être obtenus de l’outil d’historique de Martin Raifer :

Adoption des tags pour les réseaux électriques de 2008 à 2017 – François Lacombe CC BY-SA

Pendant que des propositions introduisent de nouvelles clés ou valeurs, d’autres doivent être remplacées et disparaître de la base de données pour assurer la pertinence de l’ensemble. En 5 ans, les valeurs power=station et power=sub_station (respectivement abandonnées en faveur de power=plant et power=substation en 2013) sont passées de 150 000 occurrences à moins de 30 000. Assez lent comparé au remplacement de 300 000 objets landuse=farm en 2 mois mais impossible à automatiser puisque dans notre cas il n’y avait pas correspondance direct entre les anciennes et nouvelles valeurs.

La documentation et les outils d’assurance de la qualité incitent le plus grand nombre de contributeurs à participer, même sur des sujets très techniques. Nous pouvons être intéressés pour décrire notre environnement proche ou bien collecter plus d’informations dans le cadre d’une activité professionnelle. OSM reste le dénominateur commun.

Seulement un début !

Il y a encore beaucoup de choses à construire pour obtenir une cartographie exhaustive mondiale, particulièrement dans les pays en développement et les zones en forte croissance. L’occident va très prochainement atteindre un seuil de maturité grâce à l’engagement de ses contributeurs et des campagnes d’ouverture de données par certains exploitants. Arrive maintenant la question de la maintenance et du cycle de vie des jeux de données qui nécessitent d’autres modes de cartographie de terrain.

Le modèle attributaire que nous établissons peut être utilisé dans de multiples systèmes. Ceci même en dehors d’OSM, sans les données, et peut s’avérer utile pour construire d’autres processus ou déploiements plus robustes encore avec les logiciels adaptés qu’il reste à développer. N’hésitez pas à contribuer pour ajouter tout concept encore manquant 🙂

Article traduit du journal des utilisateurs d’OSM.org

François Lacombe
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