La directive européenne sur le droit d’auteur peut nuire à OpenStreetMap et à la liberté sur Internet. Joignez-vous à la protestation pour aboutir à un texte plus équilibré et respectueux des libertés.
Le 26 mars 2019, le Parlement européen votera pour la troisième fois sur la nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur. L’article 13 de la nouvelle directive obligera à filtrer les contributions téléchargées par les utilisateurs sur les plates-formes de contenu.
Si une plate-forme n’empêche pas le téléchargement de contenus protégés par le droit d’auteur conformément aux « standards professionnels » ou « pratiques de référence de l’industrie » [in accordance with high industry standards of professional diligence], l’exploitant de la plate-forme est responsable des violations du droit d’auteur de ses utilisateurs. Les petites plates-formes indépendantes et libres comme OpenStreetMap seraient obligées d’introduire de telles mesures. Cela menace notre projet.
Pourquoi utilisez-vous l’association et le projet OpenStreetMap pour vos déclarations politiques ?
L’association OpenStreetMap France œuvre pour la promotion et la défense du projet OpenStreetMap en France. Nous pensons que nous devons nous exprimer quand des décisions politiques ou sociétales influent positivement ou négativement sur nos buts.
La Fondation internationale OpenStreetMap et des chapitres locaux, en tête le chapitre allemand FOSSGIS e.V., ont la même position et travaillent pour favoriser la collecte, la production et la diffusion de données cartographiques gratuites. Nos terrains d’action privilégiés sont la promotion, le soutien financier et technique, mais parfois nous sommes obligés de nous engager pour défendre le projet.
Le Parlement européen a adopté le projet de loi le 12 septembre 2018 malgré des protestations notables de la société civile. Depuis lors, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et des représentants du Parlement ont négocié un compromis. Le Parlement doit se prononcer sur le compromis au cours de la dernière semaine de mars.
Nous pensons que l’adoption du projet de loi nuirait à OpenStreetMap et à de nombreuses autres petites et moyennes plateformes – qu’elles soient commerciales ou non.
Mais la directive ne mentionne pas les filtres de téléchargement ?
Ce terme n’est pas utilisé dans la version actuelle du projet. Mais les opérateurs de plates-formes seront responsables des violations des droits d’auteur de leurs utilisateurs s’ils ne remplissent pas les conditions suivantes :
- Ils doivent avoir fait « tous les efforts possibles » pour obtenir une licence d’utilisation du contenu téléchargé.
- Ils doivent avoir fait de leur mieux pour s’assurer que leur plate-forme ne publie pas de contenu si les détenteurs de droits d’auteur leur ont fourni les informations nécessaires.
- S’ils sont informés d’une violation du droit d’auteur, ils doivent immédiatement supprimer le contenu ou désactiver l’accès à celui-ci.
Jusqu’à présent, les plates-formes étaient exemptées de toute responsabilité objective si elles réagissaient immédiatement à une notification de violation de copyright. Cette nouvelle directive obligerait les plates-formes à utiliser des filtres de téléchargement ou à examiner manuellement toutes les contributions. Les filtres de téléchargement deviennent la bonne pratique de référence, le standard de l’industrie. Par exemple, Google les utilise sur Youtube.
Quel est le problème avec les filtres de téléchargement ?
Nous nous opposons au filtrage automatique, car c’est une mesure injuste et disproportionnée.
Les filtres de téléchargement ont un certain nombre de problèmes pour les petites et moyennes entreprises et/ou les plates-formes libres et indépendantes comme OpenStreetMap et Wikipedia :
- Ces filtres ne fonctionnent pas aussi bien que nécessaire. Même aujourd’hui, et certainement dans le cadre de la nouvelle directive, ils ont tendance à être trop zélés, et excluent automatiquement plus qu’ils ne le devraient.
- Les opérateurs de petites et moyennes plateformes seront contraints d’acheter la technologie de filtrage auprès de grandes entreprises pour se prévaloir d’utiliser les techniques les plus efficaces de filtrage. Cela donne plus de pouvoir et d’argent aux grandes entreprises, centralisant encore plus un système déjà très inégalitaire.
Les règles s’appliqueront à tout site Web sur lequel les utilisateurs peuvent télécharger du contenu protégé par le droit d’auteur. Ce ne sont pas seulement des réseaux sociaux, mais aussi des blogs avec des commentaires et des forums.
Les petites et nouvelles plates-formes ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour acheter les filtres. Ils seront exemptés de la première et de la deuxième condition (tentative d’obtenir une licence et d’empêcher le téléchargement de contenus protégés par le droit d’auteur) si leur chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions EUR et s’ils ont moins de 3 ans. Seulement trois ans, ensuite l’exception disparaît. Si le nombre d’utilisateurs dépasse 5 millions, la condition 3 (empêcher le rechargement de contenus illégaux) doit être remplie.
La directive vise à s’opposer au modèle économique des grandes entreprises américaines. En effet, le modèle économique de Google et d’autres n’est pas louable, mais la directive nuira davantage aux petits et moyens concurrents.
Pourquoi les filtres de téléchargement nuisent-ils à OpenStreetMap ?
Le projet OpenStreetMap est basé sur l’ouverture. Les changements de cartes par tous les utilisateurs, nouveaux et expérimentés, sont appliqués immédiatement et sont fournis immédiatement à tous les autres responsables du traitement des données. La carte est toujours aussi à jour que possible.
Les filtres de téléchargement sont extrêmement difficiles à mettre en pratique pour de multiples raisons.
- OpenStreetMap enregistre la réalité telle qu’elle est. Bien sûr, d’autres fournisseurs de données cartographiques font de même. Si OpenStreetMap comparait d’un côté, les soumissions de nouvelles modifications dans ses données, et de l’autre, l’existant dans d’autres jeux de données, beaucoup de faux positifs se produiraient. Nos données sont un miroir de la réalité, très similaires à celles d’autres fournisseurs de cartes. Une route dans OpenStreetMap a les mêmes courbes, le même nom, la même limitation de vitesse.
- Si un utilisateur télécharge des modifications qui sont bloquées par un filtre, ces modifications doivent être revues dès que possible. Cela demande du temps à nos bénévoles, qui souhaitent naturellement améliorer la carte plutôt que de vérifier si un traitement automatique a bloqué une contribution et renvoyé un faux positif.
- Le développement, l’installation et l’optimisation du filtre exigent un travail important de la part de nos développeurs de logiciels bénévoles. Peut-être devrons-nous dépenser de l’argent pour acheter des services. Le travail de nos bénévoles, les dons et les cotisations des membres sont utiles pour suivre les évolutions techniques plus proches de notre finalité.
Il y a une exception pour Wikipédia, n’est-ce pas ?
Il n’est pas clair si l’exemption « Wikipedia » serait valable pour OpenStreetMap et même Wikipedia ne se sent pas en confiance : María Sefidari Huici, membre du conseil d’administration de la Wikimedia Foundation, considère les changements proposés comme une menace pour l’Internet vivant et libre. La Wikimedia Foundation, l’organisation à l’origine de Wikipédia, doute que cette exemption satisfasse aux exigences. Nous partageons ces doutes.
La directive doit être transposée en droit national par les États membres de l’UE. La mise en œuvre ne sera pas la même d’un pays à l’autre. Nos données sont beaucoup utilisées dans des environnements commerciaux. Il y a quelques sociétés qui utilisent nos données et contribuent à OpenStreetMap en développant des logiciels ou en payant leurs propres contributeurs de données – ou simplement en rendant OpenStreetMap accessible au grand public. Si OpenStreetMap devient inutilisable pour les utilisateurs commerciaux de données, cela nous nuira tous.
Que puis-je faire contre la directive ?
Il y a plusieurs options pour devenir actif :
L’envoi de courriels aux députés européens n’est ni utile ni efficace.
Vous pouvez téléphoner à votre député européen et essayer de le convaincre. savetheinternet.info/contact-your-mep fournit des numéros de téléphone et un filtre par pays d’origine.
Le site web saveyourinternet.eu fournit des suggestions et un soutien pour entrer en contact avec les membres du Parlement européen. Si nous parvenons à expliquer à un nombre suffisant de députés européens que le téléchargement de filtres tel que décrit à l’article 13 est une mauvaise idée, le Parlement peut rejeter l’article ou la proposition dans son ensemble.
Vous pouvez agir en appelant les parlementaires à adopter les amendements de suppression de l’article 13 !
En savoir plus et agir :
- mieux comprendre l’article 13 dans un schéma par Next Inpact
- les informations de contact des parlementaires par la campagne SaveYourInternet
- un outil d’appel gratuit sur le site Pledge2019.
Cet article a été rédigé, adapté ou traduit d’après diverses sources, en majorité grâce au travail important de OpenStreetMap Allemagne et de l’April.
Sources et remerciements